
Invité récemment à un dîner professionnel, je m’imaginais passer une soirée de l’ambassadeur Ferrero Rocher™, ou faire tourner les serviettes. Au lieu de ça, c’était soirée Leader Price™ dans un resto chinois cheap (double pléonasme non ?) et nous sommes vers la fin rentrés dans un vortex inter-dimensionnel à cause d’une simple question.
Tout avait pourtant bien commencé. A table, j’étais bien placé, (c’est à dire loin du lèche c..), et j’avais mon jus de litchi (oui il m’en faut peu pour être heureux). Quand soudain, le légume qui me sert de manager posa une question à l’ensemble de la tablée.
Changer de vie : la vie qu’on aurait dû avoir
C’est venu, comme ça sans crier, gare. Le genre de question qui crée de longs silences insupportables et qui est déconseillée de poser à des jeunes de la génération Y comme nous. Non pas une question, du style: « Est-ce que l’un de vous aime les gros sucres d’orges ? » Pire ! Une question philosophique et profonde, à la réponse sans fond: “Quelle aurait été votre vie si vous aviez écouté vos envies ?“.
Gros silence. Puis réflexion neuronale intensive. Il y avait dans l’air comme une agréable atmosphère cafardeuse chargée en regrets. Tous prenaient un air désolé comme un cocker renversant son bol de croquettes. D’ailleurs, si j’étais clairvoyant, j’aurais juré qu’ils prenaient tous conscience que leur vie actuelle n’est pas ce qu’ils imaginaient étant mômes. (Oui au moins on a un taf et y a pire que nous, je sais !)
Puis le bougre récidiva : “Que feriez vous si vous n’étiez pas consultants, si vous n’étiez pas dans la boîte, quel aurait été votre vie? Quel chemin auriez vous pris ?“
Et les réponses ont été intéressantes et surprenantes de par le contraste professionnel.
Une collègue se lança: « enseignante doctorante en économie », répondit-elle
La seconde : « pianiste»
Le lèche c..: « inspecteur de police » Pourquoi ne suis-je pas étonné ? Il remplit déjà à merveille sa fonction de fouine assoiffée de ragot et d’animateur de Radio Moquette.
Un autre: « herpétologue», ça n’est pas l’étude de l’herpès mais des reptiles. Vu le personnage, il a en effet bien raté sa vocation.
Puis j’eu la bonne idée de retourner la question à mon manager. Oui, même les meilleurs font des erreurs. Qu’avais-je fait ? Il nous a chanté une berceuse de 30 minutes.
Il prévoit de réaliser un safari et nous a fait l’inventaire de sa préparation: la marque de son 4×4, la taille de son moteur, sa consommation… ZZzzzzZZZzzzz… Bref, ce qu’il fallait surtout retenir de ce speech de Dominique Chapatte de Turbo, c’est qu’il a tout de même attendu la fin de sa carrière pour réaliser un rêve qu’il a depuis tout petit.
Quant à moi “j’aurais voulu être un artiiiiste !” Sa question aussi indiscrète qu’elle soit, me laissa songeur et donna naissance à d’autres bébés questions :

Les bonnes questions pour changer de vie
– Est-ce cela la vraie vie ? Faire carrière en entreprise, ou vivre ses rêves ? – “La carrière est une invention de l’homme du 20 eme siècle” (« Into the wild »)
– Pourquoi est-ce si effrayant de réaliser ce que l’on rêve de faire ?
– Au nom de quoi, nous nous infligeons des hypothèses de punition qui nous immobilisent, mettant nos rêves de côté ?
– Est-ce par peur ou par flemme qu’on préfère ne rien faire ?
– Ou préfère-t-on penser que tout peut nous arriver ?
La peur de changer de vie
Nos réponses ont prouvé qu’on refuse d’agir alors qu’on pourrait faire évoluer notre situation du neutre/négative au positif, sous prétexte que nous sommes paralysés par la peur de l’échec ou que c’est pas le bon moment pour se reconvertir.
Les choix de notre vie sont tous déterminants, mais rien ne nous condamne a être l’otage du destin et à ne pas reprendre nos rêves. Rien n’est figé.

Ne vous est-il jamais arrivé de vous demander qu’elle aurait été votre vie si vous n’aviez pas rencontré telle personne, fait tel choix, pris telle décision, (coups du sort à prendre en compte ou pas) ?
La réponse est bien sûr incertaine et imprécise, alors préférez plutôt les questions suivantes :
– En quoi être réaliste ou responsable vous a t’il empêché de vivre la vie que vous vouliez ?
– Qu’avez-vous sacrifié pendant ces années d’inaction ?
En général ce que nous avons le plus peur de faire est ce que nous avons le plus besoin de faire.
Paula a un jour dit :
“J’ai des métiers passion en tête moins ambitieux et qui demanderaient de sacrés sacrifices mais je n’ose pas me lancer. J’ai envie de changer de métier. Je ne sais pas comment faire à vrai dire pour tout plaquer pour changer de vie et me lancer dans une reconversion professionnelle.”
Certes, quitter son job et vivre de sa passion en France est très difficile. Mais il y a forcément des gens moins intelligents que vous qui l’ont déjà fait. Même si nous vivons dans un pays qui n’aime pas vraiment les entrepreneurs, ou que l’on réalise nos rêves sous peine de se faire décourager par les charges. Rien ne nous empêche de commencer petit. Et de faire comme les américains qui ont un boulot principal qui paye les factures, et un autre qui paye leurs loisirs. Commencer petit à petit un business en parallèle de notre travail (Sans rentrer dans l’illégalité bien sûr !), juste quelques minutes par jour au lieu de rêver la vie des autres devant la TV.
A vous de peser sur la balance le coût de l’inaction, et de réaliser que l’improbabilité et l’irréversibilité de l’échec ne sont que subjectifs, et le fruit de notre peur.

Mieux vaut avoir des regrets ou des remords ? Qu’en sera-t-il quand vous aurez 70 ans à regarder les 100 ans de Vivement Dimanche à la télé? Direz-vous : “j’ai été bien con(ne) de ne pas avoir au moins essayé de changer de vie !”
Paraît-il qu’on a la vie qu’on veut. Bien sûr on ne peut pas tout avoir dans la vie, mais si vous ne demandez rien, vous n’aurez rien non plus. Et puis il n’y a que ceux qui dorment et qui ne font rien que ne se trompent jamais.
Je souhaite faire de ma vie un roman et j’en suis au premier chapitre… D’ici là, retrouvez votre enthousiasme émerveillé d’enfant, ça n’est pas impossible, c’est même indispensable alors prenez des risques, cessez d’être le spectateur de votre vie, et soyez en l’acteur principal.
Cordialement !